A un peu plus de deux semaines du premier tour de l’Election Présidentielle, les recompositions du paysage politique prennent un tour souvent surprenant et indéterminable. Une bonne part des acteurs politiques ayant participé en situation de pouvoir à la vie politique des 30 ou 40 dernières années semblent achever une convergence autour du Président sortant, Emmanuel Macron, quand bien même celui-ci serait aux antipodes de leurs engagements passés. A la lueur des dernières annonces, retraite à 65 ans, RSA conditionné à une activité hebdomadaire pouvant dépasser un mi-temps, le second quinquennat Macron qui s’annonce semble pourtant devoir poursuivre la liquidation, matérielle en premier lieu, mais aussi symbolique et morale, de la France du Conseil National de la Résistance. Le seul système qui semble devoir turbuler ces prochaines années est une nouvelle fois le système français de protection sociale.
Un ressaisissement national multi-partisan autour d’un Etat protecteur des populations, ressourcé autour de ses valeurs républicaines, laïques et sociales, à la recherche d’une position d’équilibre dans le jeu des grandes puissances, conscient du vaste champ de rapport de force qu’est, aujourd’hui plus encore qu’hier, l’Union européenne, et refusant toute vassalisation, que le suzerain soit américain, allemand, russe ou chinois, n’est malheureusement à l’ordre du jour d’aucun candidat.
L’initiative militaire mille fois condamnable de la Russie en Ukraine, qu’elle qu’aient été les provocations répétées à son égard depuis plus de 30 ans, traitée non pas en voisin à qui tendre la main, mais en perdant de la Guerre froide à qui faire payer sa défaite, sert d’ersatz de souffle historique à ceux pour qui la dissolution de la Nation française, la mise en impuissance de son peuple, et la dissolution de sa souveraineté dans la société de marché, restent la boussole guidant chacun de leur pas. La fin de l’Histoire a échoué en tant que constat, mais elle reste valoir pour beaucoup programme et projet, et prend ici les couleurs d’un euro-atlantisme confinant à l’occidentalisme niais, dans lequel la France n’a rien à gagner, et son âme à perdre.
Que faire ? Nous ne serions pas les premiers, ni les plus illustres, à nous poser la question. Aucun candidat, par-delà les clivages politiques traditionnels dévalués, n’est porteur d’un véritable ressaisissement républicain et social. Le paysage politique semble n’offrir aucun répit entre les candidats de la société de marché et ceux des communautés de sang ou de religion. La gauche, singulièrement, s’enfonce dans l’attente paresseuse d’une alternance qui n’arrivera probablement plus, chaque acteur individuel jouant la première place dans son camp, fût-elle seulement la cinquième au général, espérant qu’une recomposition future s’organise autour de son propre appareil, et à son profit. Parmi tous, la campagne de Jean-Luc Mélenchon, porteur de tant d’espoirs en 2017, est aujourd’hui plus proche des mouvementistes que de la gauche républicaine.
Dans ce contexte, peut-être la candidature de Fabien Roussel présente-t-elle plus de relief. Par-delà des allégeances sociétales dont il aurait pu se passer, et le clin d’œil à Assa Traoré était indéniablement de trop, et des naïvetés géopolitiques assez traditionnelles dans son camp, à l’égard de l’UE comme de l’OTAN, il semble devoir porter politiquement une exigence républicaine refusant les assignations identitaires, une exigence sociale pour tous, et faire vivre trop seul l’idée de République sociale. Ce choix-là nous semble donc possible dans l’isoloir et ouvrir la possibilité d’une recomposition fructueuse, comme une faible lueur pour demain.